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ROGER. L.A.S. à Mlle Rachel Joanson. Au Quartier général près Vitré, 1796,
in-4, 3 pp., adresse au verso, cachet de cire rouge brisé ; apostille.
Lettre passionnée de l’aide major général des armées de Rennes et Fougères,
Roger, sous les ordres de Puisaye, adressée à sa maîtresse Mlle Rachel
Joanson à Guernezay. La lettre est datée du 6 mai 1796 au moment où,
Boisguy chef de la Chouannerie faillit être capturé. La Vendée soumise
par Hoche, la chouannerie continuait tant bien que mal en Bretagne et en
Basse-Normandie. Après l’échec de Quiberon, et chassé du Morbihan par
Cadoudal, Puisaye s’était réfugié en Normandie et prit le commandement
des Armées de Rennes et Fougères prenant le pas sur Boisguy. Cependant,
la chouannerie était sur son déclin. En juin 1796, Cadoudal se soumettait,
Frotté cessait les combats, tandis que Puisaye déjà impopulaire fut désavoué
par l’annonce prématurée du débarquement du comte d’Artois. Aimé
Piquet de Boisguy fut le dernier à rendre les armes en septembre. La lettre
est de plus intéressante sur la mention des “faux chouans” ; créées par Jean
Bon-Saint-André et encouragées par Hoche, ces bandes étaient recrutées
parmi d’anciens galériens et eurent une redoutable efficacité par ses crimes,
rendant impopulaire l’image de la chouannerie.
“J’étois à visiter la division du Maine lorsque j’ai appris mais trop tard que les
Mandats étoient dans ce pays-ci. Déjà le chevalier étoit parti pour se rendre
près de Can en Normandie et je n’ai pu recevoir de lui la lettre que dois
m’avoir écrite et embrasser mille fois le portrait fidèle de ma bien aimée, de
mon épouse chérie. J’ai écrit sur le champ au chevalier Mandat pour qu’il me
renvoyât l’une et l’autre, ce sera pour la première fois que je veroi par écrit
ces caractères prétieux qui m’assurereront de la fidélité et de la perséverence
dans un Amour qui ne doit finir qu’à la mort de tous les deux. Combien je
vais me trouver heureux de presser nuit et jour sur mon sein l’image de ta
Biauti, au moins ce sera une consolation pour moi de te voir sans cesse sous
mes yeux puisque j’ai la cruelle privation de ne plus te serrer dans mes bras
et de jouir de mon parfait bonheur (…)
Demain matin à 4 heures, nos colonnes partent pour attaquer un bourg où
sont retranché cinq cent pataux, c’est à dire des paysans armées contre
les Chouans. Ils sont d’autant plus dangeureux qu’ils s’habillent comme
nous et pour nous mieux nous tromper portent des rubans blancs à leur
chapeaux comme nos chasseurs ; mais ils ont beau faire nous leurs faisons
passer de mauvais moment. Avant hier encore, nous en avons mis près
d’Enée (?) quelques uns sous la terre. Malheureusement, nous predons de
temps en temps de nos braves camarades (…) Saint Cantin est tué, Danicourt
aussi, Mr de St Gilles, Laurant de La Prude-Maeto, La Pivardière (…)
Je plains Mr Le Paÿs s’il rentre en France, le désir qu’il nous avoit témoigné de
revoir son épouse sera bien différent quand il saura qu’elle est remariée(…)
Costes est major de la division de Vitré, Chateauneuf est chef de division
dans la Maine, Martial Mandat est chef de Légion en Normandie ; pour moi,
j’ai reçu le brevet il y a deux jours de Mr de Puisay, de Aide major (…) ce
qui me donne rang de colonel en second (…) Si je survit à cette guerre qui
selon toute apparence ne dura plus longtemps, ma Fortune militaire sera
faite et nous serons heureux (…) Ne m’oublie point auprès de Julie et de
sa mère, de tes soeurs et de ta mère, j’espère qu’elle est revenue sur mon
compte et qu’elle te laisse tranquille (…) Je t’embrasserois un milion de dois
s’il m’étoit possible, mais ce papier terendra les baiser que je lui ai confié. Le
plus passioné des amants (…).”
Très rare document.

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