mercredi 4 juin 2014
Coffre formant écritoire, en bois résineux, noyer, placage de bois de rose, d’amarante, de bois jaune avec rehauts verts, bronze doré. Par Jean-Pierre Latz (v.1691-1754), ébéniste privilégié du roi avant 1741. Estampillé J. P. Latz. Paris, vers 1750. Hauteur: 25,5 cm – Largeur: 44 cm – Profondeur: 33 cm Provenance: Hôtel des ventes des Chartrons, Bordeaux, 19 novembre 2008. Collection privée. D’aspect rectangulaire, le coffret repose sur une base en doucine renversée dissimulant un tiroir qui s’ouvre sur un côté pour former écritoire. Le corps, galbé en doucine, ainsi que le couvercle surélevé sont ornés de réserves chantournées entourées de filets ou de feuillages suggérant des palmes, alternant les frisages de bois de rose et d’amarante. Chacune des réserves est décorée dans son champ de branches avec différentes fleurs et des fruits de grenade, alors que la base et le pourtour en quart-de-rond du couvercle sont recouverts de frisages de bois de rose ceints de filets et de volutes en amarante. Aux angles, le coffret est décoré de chutes en bronze doré composées d’un cartel oblong orné de palmettes disposées pour former un motif de piastres et entouré de volutes et de fleurettes. La base est également dotée en ses extrémités de petits cartouches ajourés en bronze suggérant des pieds réduits. A la partie antérieure le coffret présente une entrée de serrure à feuillages, alors que sur les côtés il est muni de poignées avec des supports à volutes et branchages déchiquetés, le tout en bronze doré. Par sa forme aux galbes bien accusés et par son décor de fleurs marquetées, notre coffret, très vraisemblablement un nécessaire de voyage, est caractéristique de la création de Latz. Ses motifs de fleurs rondes, de narcisses, de feuilles allongées et de petites grenades ou de fruits exotiques de fantaisie réalisés en bois clair avec des accents de bois teinté en vert et des branchages en bois sombre, qui se détachent sur un fond de bois foncé, disposé en frisages, constituent en quelque sorte la marques de fabrique pour une partie de la production de Latz1. L’ébéniste pratiquait également la marqueterie en bois de bout, où les compositions florales 1 Comme par exemple sur un bureau plat, Sotheby’s, Monaco, 25 juin 1984, n°3236, sur un autre petit bureau, Christie’s, Londres, 1er juillet 1976, n°107, sur une paire de petites tables, Christie’s, Londres, 9 décembre 1982, n°52, sur une autre, Christie’s, Londres, 12 décembre 2002, n°110, enfin sur d’autres petites tables, Christie’s, New York, 30 avril 1999, n°93, Christie’s, New York, 26 octobre 2001, n°15, etc., meubles exécutés aux alentours de 1750t présentant ce même type de marqueterie, estampillés ou attribués à Latz. en bois violet forment un heureux contraste avec le satiné des fonds2, la marqueterie de frisages à dessin de vagues ou en «huître», dont l’effet graphique considérable est évident sur deux commodes, l’une desquelles, estampillée appartient aux collections du palais du Quirinal, à Rome et l’autre qui lui est attribuée, est conservée au musée J. Paul Getty à Malibu3. Enfin, Latz utilisa avec brio la marqueterie boulle, associant le métal, l’écaille, la corne polychrome et le nacre, pour la fabrication de boîtes de pendules avec ou sans gaines aux formes mouvementées et parées de bronzes exubérants4. L’analyse de toutes ces caractéristiques ainsi que l’examen approfondi des modèles de bronzes permirent à Henry Hawley d’établir le catalogue de l’oeuvre de Latz et d’éclairer la biographie de cet ébéniste d’origine allemande, né vers 1691 dans la région de Cologne5. Arrivé à Paris vers 1719, il s’installa au faubourg Saint-Antoine et épousa 2 Comme sur un régulateur conservé à Waddesdon Manor, sur une commode du musée Gulbenkian de Lisbonne, inv. 247, ou bien sur une paire d’encoignures, Sotheby’s, Monaco, 25 juin 1979, n°44, etc. 3 Inv. 83.DA.356. 4 The Cleveland Museum of Art, inv. 49.200; château de Moritzburg, près de Dresde, inv. 37667; Sotheby’s Londres, 6 juillet 1984, n°33; Christie’s, paris, 14 décembre 2005, n°158; une gaine seule, Sotheby’s, Monaco, 18 juin 1994, n°182, etc.. 5 Henry Hawley, «Jean-Pierre Latz, Cabinetmaker», The Bulletin of the Cleveland Museum of Art, 57, n°7, sept.-oct. 1970, p.203-259. en première noces Marguerite Geneiken, originaire de Liège, puis en secondes, le 3 mai 1739, Marie-Madeleine Seignet. Latz reçut des lettres de naturalisation en juillet 17366 et obtint entre juin 1739 et novembre 1741, un brevet d’ébéniste privilégié du Roi, qui lui permit d’exercer librement sa profession sans passer la maîtrise de la jurande parisienne des menuisiers-ébénistes. Cependant, contrevenant aux règlements corporatistes, il produit lui-même ses bronzes, gardant l’exclusivité des modèles, pratique qui lui attira, le 2 décembre 1749, la perquisition et la saisie de plus de deux mille modèles par les jurés de la communauté des fondeurs7. En 1741, l’ébéniste s’installa dans une maison à l’enseigne du Saint-Esprit, en face de l’hospice des Enfants Trouvés au faubourg, où il finit sa vie le 4 août 1754, âgé de 63 ans8. L’atelier, évalué par les ébénistes Charles Cressent et Pierre Joubert et par le fondeur Jacques Le Confesseur, dévoile un important stock de fontes, dont soixante-trois figures et quatre modèles de boîtes à pendules, de commodes, d’encoignures, de secrétaires, de bureaux avec serrepapiers et surtout de cent-quatre-vingt quatre pendules en divers stades de fabrication. Parmi ses collaborateurs figurent les ébénistes Jean-Pierre Tillmans, son cousin et contremaître de son atelier, et Sennard, les horlogers Biesta, Brochet, Gérard Humbert, le vernisseur Joseph Huitre, les sculpteurs Desorziers et Laîné, les fondeurs Chibou, Malassis et Charles-Louis Vedy, 6 Insinuées le 6 septembre 1736, Arch. nat., K 175. 7 Arch. nat., Y 10992. 8 Arch. nat., Min. cent., XXVIII, 338, inventaire après décès du 9 août 1754. les ciseleurs Pierre Boulle et Desforges, les doreurs Gobert et Barthélemy Autin, les merciers Vodeville, Sebellerie et Mahon, etc. Le 2 mai 1754 la veuve de Latz obtint la survivance du brevet d’ébéniste privilégié du Roi et confia la direction de l’atelier à Jean-Pierre Tillmans, mais son activité fut définitivement arrêté par le décès de Marie-Madeleine Seignet, survenu le 7 décembre 17569. Latz travailla pour une clientèle prestigieuse. Vers 1748-1753, il livra pour Madame Infante, fille de Louis XV, deux commodes, deux paires d’encoignures et un bureau pour ses palais de Parme et de Colorno, aujourd’hui au Quirinal, ainsi qu’un meuble à hauteur d’appui à deux vantaux10; vers 1750 il livra au duc de Penthièvre deux paires d’encoignures, qui portent les marques des châteaux d’Anet et d’Eu11 et une table à la Bourgogne qui porte la marque du château de Sceaux12. Entre 1740-1750, Latz livra également un nombre important de pendules et de meubles pour les résidences de Frédéric II à Dresde et à Potsdam, dont le bureau du Roi, avec son cartonnier à pendule et sa riche parure de bronzes décoratifs, sont toujours conservés au château de Sans Souci. 9 Arch. nat., Min. cent., XXVIII, 348, inventaire après décès du 20 décembre 1756. 10 Christie’s, New York, 7 juin 2013, n°311. 11 Sotheby’s, Monaco, 25 juin 1979, n°44. 12 Christie’s, New York, 17 mai 2005, n°589, depuis au musée de L’Ile-de- France à Sceaux. Au moment du décès de l’ébéniste, l’agent parisien d’Auguste III, électeur de Saxe et roi de Pologne, devait encore à ses héritiers 2 127 livres pour diverses livraisons. Les descriptions trop sommaires des inventaires ou des catalogues de ventes du XVIIIe siècle, ne permettent pas d’identifier, hélas, un petit meuble précieux comme notre coffret de Latz. Notons cependant que dans inventaire après décès de le veuve Latz, du 7 décembre 1756, figurent treize boîtes de différents bois et de différentes grandeurs. Egalement que dans la vente de Blondel de Gagny du 10 décembre 1776, était décrit sous le numéro 1016 un petit coffre de bois satiné, avec un tiroir au-dessous, garni d’une entrée et rosette de bronze doré, que Dupille de Saint-Séverin possédait deux, dont un petit coffre en marqueterie fut vendu sous le numéro 330, le 21 février 1785, et que dans la vente du M. de Vieux Viller du 18 février 1788, figuraient sous le numéro 446 quatre petits coffres de marqueterie.