mercredi 4 décembre 2013
Paire de chaises en cabriolet en bois de hêtre simplement mouluré et peintes en blanc, à dossier rectangulaire légèrement incurvé et à assise trapézoïdale avec une traverse antérieure cintrée en anse de panier. Les carrés de pied en écoinçon sculpté d’une rosace d’acanthe coiffent des pieds en gaine rudentée. Estampille de Jean-Baptiste Boulard. Epoque Louis XVI. Elles ont des marques d’inventaire du château de Fontainebleau sur les traverses de l’assise. Elles portent, sur la traverse arrière, une étiquette manuscrite sur laquelle est inscrit « pour le service de la comédie à Fontainebleau, n°222 ». Elles sont toutes les deux marquées à l’encre du numéro d’inventaire 402 sur la traverse antérieure. L’assise est renforcée dans les angles. (renforts et accidents) Hauteur: 89 cm – Largeur: 45 cm – Profondeur: 41 cm Provenance: Salle de la Comédie du château de Fontainebleau en 1786 Cette paire de chaises en cabriolet appartient à une série de vingt-quatre chaises qui ont été exécutées en 1786 pour la salle de la comédie du château de Fontainebleau. Plusieurs fournisseurs attitrés du Garde-Meuble ont participé à leur exécution. Les sièges, qui ont été exécutés par le menuisier Jean-Baptiste Boulard, ont ensuite été peintes en blanc par Chatard puis garnies par le tapissier Capin. Au cours de l’été 1786, le Garde-Meuble de la couronne se préoccupent d’organiser le voyage de la Cour à Fontainebleau qui a lieu à l’automne. Par ordre n° 222 du 30 août1 le commissaire général du Garde-Meuble fait établir des devis pour remettre en état le château afin de recevoir la Cour. Le théâtre de l’aile de la Belle Cheminée est alors remeublé partiellement. On décide de faire fabriquer cinquante-quatre sièges pour cette occasion: trente tabourets pour le parterre recouverts de moquette (savonnerie) et vingt-quatre chaises par Boulard (dont nous avons ici deux exemplaires) pour les loges garnies de velours d’Utrecht rouge. L’ordre n°222 est ainsi libellé: 24 bois de chaises en cabriolet de petite forme de 16 pouces (43,3 cm) de largeur des sièges pour 240 lt 24 aunes de velours d’Utrecht cramoisi à 9 lt pour 216 lt 5 aunes de vieux gros de Tours cramoisi pour les contre-dossiers La peinture des 24 chaises pour 60 lt 124 aunes de galon d’or faux pour 24 lt 16d Plus des clous, de la toile (récupérée sur des meubles détruits) et la garniture des chaises et des tabourets par le tapissier pour 234 lt. Cet ordre est remis à trois artisans: J.B. Boulard qui va menuiser les bois des sièges (24 bois de chaises, pieds à gaine et moulures … pour 240 lt)2, Chatard qui les peint en blanc (livré la peinture en blanc verni de 24 chaises à moulure … pour 60 lt)3 et le tapissier Capin qui les garnit (24 chaises garnies en plein, couvertes de velours d’Utrecht cramoisi orné de galon et clous doré … pour 144 lt)4. L’exécution des sièges a lieu rapidement. La moitié des chaises est envoyée à Fontainebleau le 6 octobre5 mais la totalité se retrouve inventoriée en 1787 sous le n°4026 (numéro que l’on retrouve sous les chaises) 24 chaises couvertes de velours d’Utrecht cramoisi clouées de clous dorés avec galons d’or faux dessus, bois de forme carré à moulures, pieds à gaine, peintes en blanc. A la Révolution, le gouvernement ne réquisitionne aucun mobilier de la Salle de la Comédie pour le Museum Central des Arts. Les sièges seront donc vendus à l’encan et c’est ainsi qu’ils rentrent dans des collections privées. Jean-Baptiste Boulard (1730 – + 28/03/1789) Reçu Maître le 17/04/1754 Ses livraisons pour le Garde-Meuble de la Couronne débutent en 1777. En 1779, il s’associe avec la veuve d’un des fournisseurs en siège du Garde-Meuble, Louis-Quinibert Foliot, mais leur association ne dure que deux ans car elle décède en 1781. Ca n’est qu’à partir de 1785 que Boulard devient l’un des deux principaux fournisseurs de sièges avec son confrère, Jean-Baptiste-Claude Sené. A son décès, sa veuve, Marie-Louise Gillet, continue à livrer le Garde-Meuble jusqu’en 1792 en estampillant ses sièges du poinçon de son mari comme son privilège de veuve l’y autorisait. La salle de la comédie du château de Fontainebleau7. La salle de la Comédie occupait au XVIIIe siècle l’ancienne salle de la Belle Cheminée. Elle était située au premier étage de l’aile est sur la cour de la Fontaine qui fait face à l’étang des carpes. Ce bâtiment a été construit en 1570 sur les plans de l’italien Francesco Primaticcio, dit Le Primatice. Cette salle rectangulaire de 300 m² devait former une espèce de vaste antichambre à l’appartement du Roi. Le caractère solennel du lieu va être renforcé par le roi Henri IV quand il fait implanter sur le mur nord une vaste cheminée ornée de son portrait équestre en haut relief. C’est ainsi que la pièce prend le nom de salle de la Belle Cheminée. Au début du XVIIe siècle la salle a une vocation polyvalente pouvant servir de salle de théâtre ou de festin et même exceptionnellement de chapelle. Ce n’est que sous Louis XIII, dans les années 1640, que la salle de spectacles prend le pas sur les autres fonctions qui pouvaient lui être attribuées. Le goût des Bourbon pour la chasse attirait la Cour à Fontainebleau à l’automne et l’intérêt pour le théâtre va amener à améliorer ce lieu de spectacle. Les principales transformations datent du XVIIIe siècle. La décision de construire un nouveau théâtre remonte au premier séjour du jeune roi Louis XV à Fontainebleau en 1724. Le mouvement Rocaille est alors en plein essor et les travaux sont d’abord confiés à deux artistes des Menus Plaisirs Sébastien-Antoine Slodtz (1695-+1754) pour la sculpture et Pierre-Josse Perrot (1700-1750) pour la peinture. Ensuite, ce sont deux artistes des bâtiments du Roi qui vont intervenir, Antoine-François Vassé (1681-1736), auteur de grands palmiers sculptés pour la tribune du Roi, et Claude III Audran (1657-1734) qui réalisa de belles peintures à grotesques. Au milieu du siècle, le goût de la marquise de Pompadour pour le théâtre et son intérêt pour les arts pousse le marquis de Marigny, surintendant des Bâtiments du Roi et frère de la marquise, à faire rafraîchir le décor en le faisant évoluer vers un style Rocaille maintenant assagi et symétrisé. Il va également faire améliorer la possibilité des décors sur scène. La scène devient plus profonde en reléguant une partie des loges d’acteurs au rez-de-chaussée qui est alors annexé. Les transformations postérieures ne sont que des modifications mineures et ce jusqu’à la fin des voyages de la Cour en 1786. Sous Louis XVI, plusieurs projets sont destinés à rajeunir ce vieux théâtre au décor démodé mais aucun ne voit le jour car l’époque est plus portée vers les économies pour des lieux peu visités par la cour. Thierry de Ville d’Avray qui est à la tête du Garde-Meuble de la Couronne de 1784 à 1792 entreprend de réaménager les différentes résidences royales. Il commande, en 1787 à Jean-Baptiste Boulard, vingt-quatre nouveaux sièges dont nous avons ici deux exemplaires. 1 Arch. Nat.: O1* / 3592 p.224 v°, Journal des ordres pour 1786 2 Ibidem: O1 / 3639, Mémoire de Jean-Baptiste Boulard pour le 2e semestre 1786 3 Ibid.: O1 / 3641, Mémoire de Chatard pour le 2e semestre 1786 4 Ibid.: O1 / 3640, Mémoire de Capin pour l’année 1786 5 Ibid.: O1 / 3401, Envoi du Garde-Meuble de la Couronne à Fontainebleau 6 Ibid: O1* / 3398 f°233, Inventaire du château de Fontainebleau en 1787 7 V. Droguet: Théâtre de Cour, les spectacles à Fontainebleau au XVIIIe siècle, Fontainebleau, RMN 2005 (p.37 – 49)