Lot 8

Antiveduto GRAMATICA (Rome, 1569-1626) Sainte Famille Vers 1625 Huile sur toile. 97 x 131,5 cm Provenance : Collection privée, Angleterre. Cette œuvre a été certifiée par Giovanni PAPI. - G. PAPI, Antiveduto GRAMATICA, SONCINO (Cremona), 1995. - Caravaggio e caravaggeschi a Firenze, catalogue de l’exposition (Florence), sous la direction de G. PAPI, Firenze-Livorno, 2010. La Sainte Famille est un sujet qu’Antiveduto GRAMATICA a abordé à maintes reprises au cours de sa carrière, entre la deuxième et la troisième décennie du XVIIe siècle. On peut citer en exemple le tableau conservé dans les réserves du Palazzo Pitti à Florence, récemment restauré et montré lors de l’exposition Caravage et les caravagesques, à Florence (2010, accompagné de mon étude) ; la petite Sainte Famille avec Joseph charpentier, appartenant à une collection privée (publiée dans ma monographie de 1995, p. 170, fig. 131), et celle conservée au Musée Chrétien d’ESZTERGOM, en Hongrie (p. 179, fig. 44, dans la même monographie). Le peintre a traité des thèmes analogues dans la Sainte Famille avec sainte Anne, de la KUNSTHALLE de Karlsruhe (p. 63, planche XXI) ; et des scènes avec l’Enfant au centre de l’image dans la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne, du Nationalmuseum de Varsovie (p. 185, fig. 53), et dans le tableau avec le même sujet, mais avec une iconographie différente, conservé à l’Art Gallery de Glasgow. Comme je le disais, ces sujets, habituellement représentés sur des toiles dont les mesures correspondent à celles de la toile d’empereur (un mètre sur un mètre trente environ), et en format horizontal, jalonnent toute la carrière du peintre. De mon point de vue, le tableau de Florence montre un GRAMATICA très impliqué dans le climat de naturalisme d’influence caravagesque, et proche de son grand ami Orazio BORGIANNI : une datation autour du milieu de la deuxième décennie du XVIIe siècle semble donc être la plus appropriée. En revanche, la toile de Karlsruhe et celle de Glasgow devraient être postérieures de plusieurs années. Dans ces œuvres, l’intérêt pour RAPHAËL et pour le DOMINIQUIN, qui contaminera de plus en plus le naturalisme du peintre durant la troisième décennie, s’affirme progressivement. Ce nouveau tableau, d’une grande beauté, représentant une Sainte Famille, offre des différences iconographiques par rapport aux sujets examinés cidessus. En effet, contrairement à toutes les autres images, la scène se déroule dans l’étable où Jésus est né (sa structure est nettement visible, à gauche et dans le fond) ; on peut nettement distinguer derrière Marie, au second plan, l’âne et, plus en retrait, le bœuf. Plutôt que d’une Sainte Famille, il s’agit ici d’une Nativité. L’Enfant se différencie de tous les autres, car il est ici représenté comme un nouveau-né sans cheveux, que Joseph tient avec amour (comme dans le tableau d’ESZTERGOM, GRAMATICA le représente sous les traits d’un homme du peuple, âgé, au visage marqué par la fatigue et les rides. La Vierge, quant à elle, contemple l’Enfant avec une expression d’adoration, et le regard qui les unit est à la fois intense et plein de tendresse. Concernant l’attribution du tableau à GRAMATICA, il me semble qu’il ne peut y avoir de doute, tant sont évidentes les caractéristiques stylistiques ; cette œuvre peut être insérée sans hésitation dans le catalogue du peintre siennois. L’atmosphère rustique, mais déjà atténuée par la pureté classique du visage de la Vierge et par la lumière qui éclaire la scène (rien à voir avec les ombres violentes qui caractérisent la toile du Palazzo Pitti) indique une proximité avec le grand retable de San Giacomo in Augusta de Rome, avec l’Adoration des bergers (le profil de la Vierge est très similaire, ainsi que sa robe, rouge et bleu) (fig. 1). Je pencherais donc pour une datation très tardive de ce tableau, à situer probablement vers le milieu de la troisième décennie du XVIIe siècle. Gianni PAPI