URBINO
Grand plat d’apparat rond en majolique à décor polychrome a istoriato représentant César recevant la couronne civique à Mytilène, l’aile à décor de motifs a raffaelesche formés de figures grotesques, masques drapés, putti allongés soutenant des médaillons à fond noir ornés de profils antiques, la chute à décor en noir et jaune d’une frise de piastres, au revers, filets concentriques jaunes et inscription Di quercia Coronato e Metellino
entourée de motifs fleuris stylisés.
Atelier de Flaminio FONTANA ou atelier d’Antonio PATANAZZI.
XVIe siècle, vers 1570-1580.
Diamètre : 47 cm
Provenance : Collection privée italienne.
La scène sur le bassin est inspirée de l’histoire romaine : Jules César (101 avant J. -C. -44 avant J.-C.), général romain devenu Consul en 59 avant J.-C., reçoit la couronne civique à Mytilène sur l’île grecque de Lesbos. En 81 avant J.-C., Lucius Licinius Lucullus emporta la ville d’assaut ; alors jeune officier, César y sauva la vie de ses soldats, ce qui lui valut en récompense une couronne civique, l’une des plus glorieuses distinctions militaires. Faite de feuilles de chêne, la couronne civique est la deuxième plus grande marque honorifique que pouvait recevoir un soldat dans l’armée de Rome. Couronné par un officier, on voit ici César debout sur un autel sculpté en bas relief d’un trophée militaire et entouré d’une armée dans un camp militaire traversé par un cours d’eau.
Le décor de ce plat est identique à celui d’un grand rafraîchissoir réalisé dans l’atelier d’Orazio FONTANA illustrant le couronnement de César (Florence, musée du Bargello, circa 1565-1575, inv. 34-022), dont la source graphique n’a pas été identifiée. On y retrouve César couronné par un officier, les deux personnages animés de la même gestuelle et montés sur un piédestal semblable. Selon John GERE, le rafraîchissoir du Bargello faisait partie du service offert par Guidobaldo II della Rovere, duc d’Urbino, au roi Philippe II d’Espagne (1527-1598). Ce service, dit service d’Espagne, est orné d’un programme iconographique à la gloire de Jules César inspiré d’une série de dessins commandés à Taddeo et Federigo ZUCCARO vers 1560. Il est donc très probable que le décor des deux œuvres ait été inspiré d’un dessin des frères ZUCCARO.
Par ailleurs, on suppose que toutes les pièces du service d’Espagne présentaient un marli orné de grottesche d’inspiration all’antica sur fond blanc, car de nombreuses pièces peintes de scènes d’après ZUCCARO sont ainsi décorées. Ce style de décor à fond blanc n’apparaît pas sur les majoliques avant 1558.
Un plat provenant vraisemblablement du service de Philippe II d’Espagne, dont la gravure par Taddeo ZUCCARO est connue, a été vendu en 2024 chez Sotheby’s, New York, (2 février 2024, lot 632).
Enfin, il est possible de rattacher l’œuvre à deux plats historiés de l’ancienne collection SPROVIERI qui sont ornés de scènes dérivant des modèles de Taddeo ZUCCARO pour le service d’Espagne. Timothy WILSON date le plat illustrant César et les Ménapes des années 1560-1580 et l’attribue à l’atelier des FONTANA ; on y retrouve, sur l’aile, des grotesques similaires. Il date le plat Le Triomphe de César après sa victoire au Pont-Euxin des années 1575-1590 et l’attribue à l’atelier des PATANAZZI sous la direction d’Antonio. Sur cette pièce, aujourd’hui conservée au musée de Sèvres (inv. MNC 27922), les éléments les plus intéressants sont la frise d’oves et de dards ainsi que la frise de patenôtres qui cernent les grotesques et que l’on observe également sur notre plat.
Bibliographie :
Timothy WILSON, Italian Maiolica of the Renaissance, 1996, pp. 378-383.
Camille LEPRINCE, Feu et Talent II : Majoliques italiennes de la Renaissance, Paris, 2012, pp. 126-132.