Claude Joseph VERNET (Avignon, 1714-Paris, 1789)
Vue des Isles de l’Archipel
Toile, signée et datée en bas à gauche J. Vernet F. / 1758.
Au dos un n° 3365 au pochoir.
74 x 99,5 cm
Provenance :
Probablement commandé directement à l’artiste par Madame GEOFFRIN,
en 1758 (2400 Livres).
Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage, achat de Catherine II, vendu par
les soviets vers 1930.
Collection privée.
Bibliographie :
Florence INGERSOLL-SMOUSE, Joseph Vernet. Peintre de marine (1714-
1789), Paris, 1926, Vol. I, p,99, n° 702, reproduit fig. 161, Pl. LXXI, (74,5
x 102 cm) musée de l’Ermitage, Saint-Petersburg, N° 1547 ; catalogue
Somof. Acquis sous Catherine III -sic-).
OEuvre en rapport :
Gravé par Le CHARPENTIER (sous ce titre et mentionnant du cabinet de
Mme Geoffrin). Originaire d’Avignon, ville appartenant alors au pape,
VERNET séjourne en Italie près de vingt ans de 1734 à 1752. Depuis Rome,
il fait plusieurs voyages, notamment à Naples où il peint ses premières
marines. Tout en dessinant directement sur le motif, il étudia les oeuvres
de Salvator ROSA, Adrien MANGLARD, Giovanni-Paolo PANNINI
et Andrea LOCATELLI, les effets d’atmosphère de Claude LORRAIN,
unifiant ces influences en un style nouveau. D’où ce sentiment de nature
arcadienne qui se dégage de ce paysage, éclairé par un soleil couchant,
horaire précisée par l’activité des figures qui ramènent la pêche du jour.
A la date de notre tableau, VERNET est déjà très célèbre, appelé à Paris
par le roi Louis XV en 1753 pour peindre les Vues de ports de France.
Notre toile appartenait à Madame GEOFFRIN, célèbre mécène chez qui
se réunissaient les philosophes, intellectuels et nobles éclairés, comme le
Comte de CAYLUS. Elle a aussi financé la publication de l’Encyclopédie.
Si Madame GEOFFRIN partage et suit souvent les goûts de DIDEROT,
référence à l’époque en matière d’art et de littérature, elle soutient Joseph
VERNET avant même que le philosophe n’entreprenne la rédaction des
Salons. D’après ses carnets (1), notre femme d’affaire aurait possédé pas
moins de huit tableaux de VERNET, dont la Vue des Îles de l’Archipel.
Les collectionneurs russes ont eu une passion pour VERNET. Portée par
l’ambition d’élever la Russie au niveau de raffinement des autres capitales
européennes, l’impératrice Catherine II est abonnée à la correspondance
littéraire de DIDEROT. Rapidement, elle rassemble un important ensemble
de peintures de notre artiste, soit qu’elle les lui commande directement,
soit qu’elle achète ses oeuvres lors des ventes à Paris, DIDEROT étant
souvent le courtier de la transaction. A la fin de son règne, les tableaux de
VERNET sont accrochés dans les galeries du palais de l’Ermitage. Son fils
Paul Ier, son petit-fils Alexandre Ier en ont eux aussi acquis plusieurs, suivis
des aristocrates russes. Malgré les ventes du gouvernement soviétique de
l’Entre-deux-guerres, Saint-Petersbourg possède encore aujourd’hui vingtsept
toiles de VERNET. Dans ce caprice méditerranéen, où les souvenirs
italiens sont présents par l’évocation du Panthéon de Rome à droite,
de la colonne Trajane à gauche (deux antiques gravés par PIRANÈSE
respectivement en 1756 et 1758), l’agitation des figures crée une
atmosphère vivante et gaie. La lumière limpide au premier plan, plus rosée
pour la côte au second plan, caractérise plusieurs chefs-d’oeuvre de Joseph
VERNET de cette époque (Vue d’Avignon, depuis la rive droite du Rhône,
près de Villeneuve musée du Louvre, 1757 ; Marine, Soleil Levant, Avignon,
musée Calvet, 1757). Une version non signée de notre composition est
passée en vente chez Christie’s à New York le 1 mai 2019 (n° 34).
1. Voir le catalogue de l’exposition Madame Geoffrin Une femme d’affaire
et d’esprit, Châtenay-Malabry, Maison de Chateaubriand, 2011, p.158.