18 L.A.S. (signées «S», «Sol» ou Solange»), 1856-1870, à son amie Amélie Grille de Beuzelin; 66 pages in-8 ou in-12. Très intéressante correspondance qui, tout en évoquant les personnes de l’entourage de George Sand et de sa fille, met en évidence les difficiles relations de Solange avec sa mère, dont elle se plaint amèrement. Nohant 17 janvier 1856: un an après la mort de sa fille Nini, elle fait, en l’absence de sa mère, le voyage de Nohant, où elle n’a pu «accomplir le désir bien naturel qui me l’avait fait entreprendre […] Ma présence ici est sans utilité au cher petit être que j’aime tant» [Solange voulait poser une croix sur la tombe, ce que George Sand refusa catégoriquement]… Nohant 2 décembre [1860]: sa mère a été sérieusement malade (typhoïde): «Elle sort et ne travaille pas encore. Elle est très oppressée et cent fois plus distraite que de coutume; ce qui indique que la tête a souffert […] Je me trouve moins qu’utile ici. Peutêtre que je me trompe; cependant c’est mon amère impression». Paris, 20 septembre [186?]: elle dit l’ennui des conversations «de ceux qui n’ont qu’un goût» et «qu’une corde à l’arc de son langage», et son amour de la musique: «Dans ma jeunesse j’entendais Mme Viardot, tant qu’il plaisait à ma mère ou à Chopin. Mais depuis je n’ai jamais pu mettre la main sur quelque chose d’approchant»… 1er janvier 1863: après les voeux d’usage, elle évoque Guillery (propriété de son père); elle n’arrive pas à savoir «si la propriété est vendue ou non. Je trouve mon frère assez sournois de s’en aller là-bas dans les circonstances présentes sans m’en faire prévenir. Si sa présence y est utile, pourquoi la mienne ne l’y est-elle pas aussi ?»… Paris 9 octobre [1863 ?]: elle évoque une élève russe de Chopin, Mme Kalergi, et le duel d’Aurélien Scholl avec Granier de Cassagnac «à propos de journalisme. Le Scholl a reçu un coup d’épée dans le côté. Les journaux doivent en parler»… Alger 26 janvier [1864]: elle apprend «que Mr Berton a daigné accepter sur la prière de Mme Sand un rôle dans sa pièce [Le Marquis de Villemer]. Cela confirme ce que vous m’en disiez, qu’elle ne trouvait plus d’acteurs à l’Odéon. Je ne sais trop comment elle a jamais fait pour en trouver de bons ! Lambert est une véritable girouette. Rien ne m’étonnerait autant que de le voir prendre à présent le parti de Manceau»… Le temps est admirable, elle s’est promenée dans le Sahel et en a rapporté des fleurs ravissantes, dont des cyclamens sauvages dont elle dessine une feuille, mais il n’y a «aucune ressource d’art»… Spa, Villa Mackenzie, 3 août [1865]: sur la fin de Marie de Rozières qui mourra 17 août; Solange se réjouit que son amie soit auprès d’elle… Guillery 4 novembre [1865]: «Hélas ! le pauvre Guillery va être vendu, et aucun héritier Dudevant ne jouira de sa jolie situation et de son doux climat […] Maurice a Nohant et le gardera pour se dédommager. Et moi qui n’ai rien du tout !»… Cannes 5 mars [1866 ?]: elle achète un terrain à Cannes sur lequel elle envisage de faire construire, mais l’argent manque, elle pense faire un emprunt sur Guillery. «Quant à ma mère, elle est loin de songer à m’offrir une satisfaction quelconque (puisqu’elle ne veut même pas que j’aille la voir de tems en tems). Et Maurice est encore plus éloigné d’aider à une gracieuseté pécuniaire en ma faveur !!! Ah bien !! Il faudrait une évolution dans son esprit, dans son coeur et dans toute sa constitution pour qu’une pareille idée germât sous sa peau»… 7 juillet [1868 ?]: elle remercie son amie de sa «gracieuse broderie» et donne des nouvelles de Sainte-Beuve qui «a été fort malade. Et comme chaque fois qu’il souffre davantage, il m’a dit qu’il voulait se tuer»; elle évoque le monde littéraire: «Le dernier numéro de la Lanterne, n’est pas à la hauteur des précédents. Et le tout ne vaut certainement pas les Guêpes d’Alphonse Karr. […] Voici Alfieri qui vient d’écrire un roman», et Mme O’Connell «écrit lentement un livre qui s’appellera la Philosophie du beau. Je pense que nous y verrons un peu de cabale et beaucoup de mysticisme»… 12 septembre [1868]: à la veille de ses 40 ans, elle a revu Alfieri: «Je l’ai trouvé très changé au moral. Cet homme si enjoué, si vif, si pimpant, si prompt à la répartie et d’un esprit si rapide, s’est laissé devenir lent, engourdi, pesant et sous prétexte d’être sérieux, il porte une gravité béate et somnolente»; il n’a pourtant que 41 ans, mais «il est vrai qu’il a 20 ans de mariage sur le dos !»; l’Italie, selon lui, n’est pas en si mauvais état, malgré l’impopularité du roi Victor et «la curée à la bureaucratie»… 1870. Cannes 15 janvier: elle rêve à sa future maison où elle voudrait accueillir son amie et lui «ménager un tête à tête avec celle qui aurait tant besoin d’apprendre de vous à m’aimer. J’ai enfin reçu d’elle à l’époque du jour de l’an une lettre – fort aimable et très flatteuse – sur Jacques Bruneau. Avant-hier un billet en quatre mots […] Ma belle-soeur m’a aussi complimentée à sa façon… J’aimerais mieux qu’on m’engageât à passer quinze jours à Nohant»… Elle évoque l’assassinat de Victor Noir par Pierre Bonaparte, et sa difficulté à écrire: «la peine d’écrire est grande quand on sait si mal sa langue que moi ! Bruneau a été écrit avec l’aplomb de l’ignorance. A présent, je me défie de moi, je ne peux plus rien faire»… Gênes 4 mars: elle a reçu une lettre de sa mère: «Elle dit qu’elle croit tenir un succès. Lévy auquel elle a proposé l’édition de mon roman [Jacques Bruneau] lui en a offert 6 sous le volume […] Il n’y a pas de quoi planter des eucalyptus dans son jardin !! Je réponds que je refuse, d’autant que je n’aurai aucun moyen de contrôler la vente des volumes». Cannes 24 mars: elle aime le nouveau roman de sa mère, Malgrétout, «quoique je ne puisse pas concevoir pourquoi cette Miss Owen refuse, sans raison, d’épouser celui qu’elle aime et qui l’adore». Cannes 21 avril, nouvelles de Nohant: Maurice est guéri d’une fluxion de poitrine; «Ma mère corrige les épreuves de Bruneau pour que Lévy me donne cinq cents francs. D’une condescendance et d’une bonté parfaite sous ce rapport. Que ne l’estelle toujours !» Elle évoque le souvenir de Nini: «Ma pauvre petite fille avait aussi le goût de bouder. Mais ça ne durait pas. Elle venait bientôt sauter au cou de ma mère en disant « »Grand maman ! Ça m’ennuie de bouder »»…Cannes 28 novembre: après le désastre de Sedan, les menaces sont partout. Le siège de Paris dure, les batailles se succèdent sans qu’on puisse voir la fin du conflit. Elle a arrêté la construction de sa maison, et Clésinger s’est engagé dans les combats, ce qui l’étonne et l’émeut: «Que deviendra-t-il s’il perd un bras ou l’oeil qui lui reste ? Il semble s’être jeté là en désespéré». Elle craint pour Nohant: «Je ne crois pas à l’épargnement de l’habitation de G. Sand. Celle d’About ne l’a pas été à Saverne. La résolution de ma mère m’épouvante et m’afflige. Elle reste parce que Maurice s’est offert pour la défense du canton»