Christian HORNEMAN (Copenhague, 1765-1844)
Portrait présumé de Ludwig van Beethoven (1804)
Miniature rectangulaire peinte à la gouache et aquarelle, signée en bas à droite Horneman en blanc, représentant un jeune homme en buste de trois-quarts à droite, en frac bleu à boutons dorés, gilet et foulard blancs, sur fond gris.
Dans un cadre rectangulaire en or ( (750 ‰) ), avec une chaînette en métal à maillons. Au dos est peint à l’or l’inscription suivante sur fond peint à l’imitation de l’écaille L.V.B / J(oseph). F(rantz). / von / Lobkowitz / MDCCCIV.
Hauteur : 5,2 cm – Largeur : 4,2 cm
Poids brut total : 34,8 g
Provenance :
Possiblement donnée par Beethoven au Prince Joseph Franz von Lobkowicz (1772-1816) ou bien commandée par ce-dernier à l’artiste comme souvenir du compositeur en 1804.
Collection Ernest Ansermet (Vevey, 1883-Genève, 1969), chef d’orchestre et musicologue suisse.
Sa femme Juliette Ansermet, née Salvisberg (?, 1909-Genève, 1993).
Acquise en Suisse par le père de l’actuel propriétaire chez Madame Ansermet en 1972.
Puis par descendance, collection privée, France.
Œuvre en rapport :
Christian Horneman, Portrait miniature de Ludwig van Beethoven (1802), Beethoven-Haus, Bonn, Sammlung H. C. Bodmer (inv. HCB Bi1).
Ce portrait par le même artiste que notre portrait est la seule miniature connue du compositeur, réalisée à Vienne en 1802 puis donné l’année suivante à son ami Stephan von Breuning (1774-1827) en signe de réconciliation.
Historique :
Fidèle aux représentations ultérieures de Beethoven, l’apparence physique de notre modèle n’est pas aussi élégante que dans le portrait connu de 1802. Le sujet porte le frac bleu et le foulard blanc qui, au début du XIXe siècle, étaient à la mode lors d’événements mondains. Sa coiffure courte correspond également à la mode de cette époque. On retrouve, fidèlement aux sources de l’époque, la fente au menton du compositeur, sa bouche légèrement déformée par des dents proéminentes, ses cheveux ébouriffés, ses paupières fines cachées sous des sourcils larges et, contrairement au portrait de 1802, sa peau rougeâtre évoquant la présence de cicatrices au visage.
Fin mai-début juin 1804 dans le palais du prince Lobkowitz à Vienne, eurent lieu des répétitions d’orchestre d’Œuvres de Beethoven. C’est là que son Triple Concerto pour violon, violoncelle et piano est joué pour la première fois, tout comme sa Symphonie Eroica (Symphonie n°3 en mi bémol majeur, op. 55), le 9 juin (selon ce qu’attestent les registres de son Kappellmeister Anton Wranitzky). Le prince de Lobkowitz, qui avait alors l’exclusivité de l’Œuvre, la fit notamment exécuter cette même année trois fois de suite dans sa résidence de Raudnitz pour le prince Louis-Ferdinand de Prusse, faisant halte sur la route de Vienne. La symphonie fut tout d’abord dédiée à Napoléon Bonaparte, mais le compositeur renonça à cette dédicace lorsqu’il apprît que le Premier Consul s’était fait couronner empereur. La symphonie sera finalement dédiée à la mémoire d’un grand homme, bien qu’elle ait été par la suite dédiée au grand mécène du compositeur, le Prince de Lobkowitz. Cette symphonie est l’une des œuvres les plus populaires de Beethoven (le compositeur lui-même la préférait à toutes ses autres symphonies). Elle est en outre considérée par certains comme annonciatrice du romantisme musical.
Le Triple Concerto quant à lui est le plus méconnu et le plus rarement joué des sept concertos de Beethoven. Tout d’abord parce qu’il demande trois solistes de qualité dans un même concert. Les esquisses de cette œuvre nouvelle remontent à 1803. Il fut probablement achevé en août 1804 et écrit à l’intention de l’archiduc Rodolphe, qui lors de la première privée, tint la partie piano, Steildler le violon et Anton Craft le violoncelle. La dédicace revient également au prince Lobkowitz (dédicataire des symphonies 3, 5 et 6).
Joseph Franz von Lobkowitz (1772-1816)
Franz Joseph Maximilian, 7e prince de Lobkowitz (né le 7 décembre 1772 à Raudnitz-sur-l’Elbe, en royaume de Bohême et décédé le 16 décembre 1816 à T?ebo? (Wittingau), 1er duc de Raudnitz (1786), est un prince de Bohême, generalmajor autrichien, grand mélomane et bon violoniste. Il fut un important mécène de Josef Haydn et de Ludwig van Beethoven, qui lui dédia de nombreux chefs-d’œuvre.
Sa famille s’installa à Vienne et le prince y rencontra Beethoven à la fin des années 1790. Il devint avec le prince Carl Lichnowsky son principal mécène. Vers 1800, Lobkowitz organisa dans son palais une joute musicale qui opposa Beethoven (soutenu par Lichnowsky) à Daniel Steibelt (soutenu par Lobkowitz), que gagna le premier. Mélomane averti, Lobkowitz dota son palais d’une somptueuse salle de concert. Il fut également un mécène de Josef Haydn qui lui dédia les fameux quatuors op.77.
Il apporta longtemps son soutien financier à Beethoven, et il fut en 1809 l’un des trois cosignataires (avec le prince Kinsky et l’archiduc Rodolphe) du contrat qui garantissait au musicien une rente viagère de 4 000 florins annuels. En retour Beethoven lui dédia quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre, notamment :
Les Quatuors à cordes opus 18 no 1, no 2, no 3, no 4, no 5 et no 6 (1800).
la Symphonie Héroïque (1804), qui était initialement dédiée à Bonaparte.
Le Triple Concerto (1804).
La Cinquième Symphonie (1808) co-dédiée au comte Razumovsky.
La Symphonie pastorale (1808) co-dédiée au comte Razumovsky.
Le cycle de lieder À la Bien-aimée lointaine (1816).
La grave crise économique qui s’empara de l’Autriche après Wagram et le traité de Schönbrunn imposé par Napoléon ruina Lobkowitz qui fut contraint de quitter Vienne. L’empereur François Ier d’Autriche l’avait reçu dans l’ordre de la Toison d’or le 9 mars 1809. Il mourut en actuelle République Tchèque en 1816.
Christian Horneman (1765-1844)
Horneman est né le 15 août 1765 à Copenhague. Il fréquente l’Académie royale danoise des Beaux-arts à partir de 1780, remportant sa petite médaille d’argent en 1785 et sa grande médaille d’argent en 1786. En 1787, il part à l’étranger pour poursuivre ses études et il lui faudra seize ans avant de retourner au Danemark. Il se spécialise dans les portraits miniatures. Il a vécu le déclenchement de la Révolution française à Paris en 1789. Il a également visité l’Italie et Vienne, où Johann Heinrich Wilhelm Tischbein et Heinrich Füger ont été parmi les artistes qui l’ont inspiré. C’est là qu’il réalise, en 1802, un portrait flatteur de Beethoven.
L’année suivante, Horneman retourna au Danemark et en 1804, il fut nommé peintre miniature du comté royal danois. Il était l’un des nombreux portraitistes ayant comblé le vide après la mort de Cornelius Høyer et Jens Juel. Il réalisa des miniatures et notamment des pastels qui était la technique dans laquelle il a fait ses meilleurs travaux. En 1805, il devint membre de l’Académie et en 1816, il reçut une résidence gratuite à Charlottenborg. Il fut nommé professeur en 1835.
Pendant ses séjours à l’étranger, il eut l’occasion de faire des portraits de quelques-unes des figures de proue de son époque, dont Beethoven et Joseph Haydn, tandis qu’il fît des croquis de plusieurs autres dans un carnet de croquis maintenant conservé à la Galerie nationale danoise.
Littérature :
Christian Horneman, Weilbachs Kunstnerleksikon. Retrieved 4 January 2010.
Alessandra Comini, The Changing Image of Beethoven. A Study in Mythmaking, 2008.