Cartel d’applique sur un modèle éxécuté à Paris vers 1715.
Bronzes redorés, remis en état, quelques bronzes probablement rapportés.
Hauteur : 90 cm – Largeur : 35 cm – Profondeur : 20 cm
Spécimen en écaille de tortue marine spp. Conforme au règle CE 338/97 art. 2.w.mc du 09 /12/ 96. Spécimen antérieur au 1er Juin 1947.
En revanche, pour une sortie de l’UE, un CITES de ré-export sera nécessaire, celui-ci étant à la charge du futur acquéreur.
HISTORIQUE DE L’ORIGINALE
De forme rectangulaire, cintrée par le haut et à soubassement découpé en volutes en S affrontées, la caisse de l’horloge évoque les anciens modèles dits à tête de poupée. Elle est montée sur une plinthe soulignée de lambrequins trilobés inversés et repose sur une console en tronc de pyramide ornée en façade d’un ample fleuron entouré d’enroulements de rinceaux, et, sur les côtés, d’un entrelacs droit prolongé par une volute en S à demi-palmettes et fleurons d’acanthe, le tout marqueté en laiton sur fond d’écaille rouge. L’ensemble présente une riche parure de bronzes dorés : une agrafe à masque d’Apollon entouré de volutes d’acanthe et couronné par une lyre à jour est disposée à l’amortissement de la caisse, dont le fronton cintré est souligné par un registre de rais-de-cœur et délimité dans ses extrémités par deux amples volutes de refend. Des fleurs laissant jaillir des feuilles d’acanthe à jour sont disposées sous le cadran, de part et d’autre d’un cartel orné d’un motif réticulé renfermant des rosaces losangiques sur fond de corne teintée en bleu. Ce dernier motif marqueté se retrouve sur les côtés formant des panneaux dont le centre est ponctué par un grand médaillon ovale de bronze renfermant des profils de femmes coiffées à l’antique. Un angelot en ronde bosse tenant une tablette de la main droite et un stylet de la gauche, est assis sur la plinthe et pose ses pieds sur un drapé débordant sur le plateau de la console. Cette dernière, soulignée en sa partie supérieure par un quart-de-rond de bronze à rubans entrelacés ponctués de rosaces d’acanthe, est ornée de deux fortes protomés de bélier à nœuds et chutes de rubans et finit par un cul-de-lampe godronné et à fleuron pendant d’acanthe, le tout en bronze doré. Le cadran, lui aussi en bronze et à cartouches émaillés en blanc à chiffres romains peints en bleu, présente dans son champ une médaille de Louis XV enfant, représenté à la romaine, la tête laurée de profil à droite, entourée par deux aigles posés sur une terrasse à lambrequins et à rinceaux.
Notre cartel d’applique se rattache à plus d’un titre à la création d’Alexandre-Jean Oppenordt (v. 1639-1715) et est directement inspiré par plusieurs dessins du fils de celui-ci, l’architecte et ornemaniste Gilles-Marie Oppenord (1672-1742). Les plus proches sont deux projets de cartels datant des premières années du XVIIIe siècle conservés par le Cooper-Hewitt : l’un porte dans un cartel l’inscription Thur. Paris, correspondant vraisemblablement à l’horloger Jacques III Thuret (1669-1738), qui logeait comme Oppenordt père aux Galeries du Louvre (fig. 1-2) et pour lequel le modèle avait été fait ; le second, à grandeur d’exécution, sur lequel l’angelot avait été remplacé par un cartel. Ce dernier modèle de cartel est repris dans deux autres dessins, l’un représentant la partie supérieure, le second la console d’applique à protomé de bélier, faisant partie des collections de la Bibliothèque de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Paris (fig. 3-4).
On remarquera également sur l’un des dessins de Cooper-Hewitt la présence d’un génie à torche en ronde bosse, posé sur la console, ainsi que le médaillon ovale à tête de femme à l’antique ornant le fronton du cartel, motif qui se retrouve également sur l’autre dessin et sur celui de Paris. Par ailleurs, ce motif à profil à l’antique, soit féminin, soit masculin, renfermé dans un cartouche ovale, est commun à d’autres projets d’horloges par Gilles-Marie Oppenord, tel celui figurant sur deux dessins conservés à Paris (fig. 5-6). De même, le rinceau d’acanthe présent sur le dessin du musée des Arts décoratifs est en tout semblable à celui marqueté sur les parties latérales de la console de notre cartel. Enfin, si sur toute cette série de dessins d’Oppenord fils les caisses des cartels sont arrondies, sur un autre projet de pendule sur gaine conservé à Saint-Pétersbourg au musée de l’Ermitage, on voit une boîte à parois latérales droites et fronton cintré comme sur notre pièce (fig. 7).
Un autre détail attire l’attention dans le décor de notre cartel et constitue une importante indication pour sa datation : il s’agit de la présence sur le cadran de bronze doré d’un médaillon circulaire à l’effigie du roi Louis XV enfant (fig. 8). On sait que la médaille qui a servi de source d’inspiration de cette représentation a été frappée en 1715 d’après le modèle du sculpteur Jean Mauger (1648-1722), médailleur du roi, lui aussi logé aux Galeries du Louvre depuis 1698, comme Alexandre-Jean Oppenordt (fig. 9), à l’occasion de l’avènement de Louis XV et que sur son revers est figurée l’effigie de Louis XIV.
Ainsi notre horloge aurait pu être parachevée en 1715, certainement après le décès du roi Louis XIV, le 1er septembre de cette année. Cependant, deux autres cartels d’applique dépourvus de l’effigie de Louis XV sur le cadran, mais de modèles très similaires sont conservés et prouvent que le prototype avait été élaboré vers la fin de l’atelier d’Alexandre-Jean Oppenordt, dans les années 1714-1715. Sur l’un d’entre eux portant le nom de Thuret à Paris, on retrouve à l’amortissement la même agrafe à lyre et masque d’Apollon, ainsi qu’un angelot identique posé à sa base (fig. 10). Sur le second, plus simple mais peut-être plus ancien, à la place de l’angelot ont été disposées des feuilles d’acanthe formant refends, et de l’agrafe à l’amortissement, composée elle aussi d’acanthes, s’échappent deux chutes de fleurons nouées de rubans (fig. 11). Enfin, on connaît une paire de consoles du modèle de celles de cette série de cartels, légèrement plus développées en hauteur et ornées de cartouches renfermant un dragon, qui ne manque pas de suggérer les armes des Colbert (fig. 12).
Natif de Gueldre, Alexandre-Jean Oppenordt arriva à Paris dans les années 1660 et s’installa dans l’enclos du Temple, et devint l’apprenti de l’ébéniste César Campe, présent comme témoin à son mariage avec Judith Favier, le 8 janvier 1668. Naturalisé en octobre 1679, Oppenordt, qui avait obtenu le titre d’ébéniste du roi, travailla pour l’administration de ses Bâtiments, exécutant notamment les deux bureaux en marqueterie de laiton et d’écaille rouge pour le Cabinet où le roi écrit, à Versailles. Il fut logé aux Galeries du Louvre à partir de 1684, puis installa ses ateliers dans une autre maison dépendant de l’administration royale, rue Champfleury, où il finit ses jours en avril 1715. Aucun inventaire n’avait pas été dressé ni après le décès de Judith Favier, ni après celui d’Alexandre-Jean Oppenordt. On sait cependant, que par son testament du 2 janvier 1710, il avait légué à Etienne Goy, fils d’Anne Montpetit, sa femme de charge, tous les établis et outils servant au métier d’ébéniste, ensemble tous les bois et autres marchandises non employés qui se trouveront appartenir audit testateur au jour de son décès. En effet, le 25 avril 1715, Gilles-Marie Oppenord signait une délivrance de legs après le décès de son père, d’où on apprend qu’Etienne Goy, ébéniste, demeurant rue Plâtrière, avait été envoyé en possession des biens qu’Alexandre-Jean lui avait destinés. Vraisemblablement notre cartel d’applique en faisait partie et soit Goy, lui-même ébéniste, soit l’horloger, hélas anonyme, qui réalisa le mouvement se chargèrent de remplacer le cadran par un nouveau dont l’effigie du jeune Louis XV rendait hommage au récent souverain.