Francesco GUARDI (Venise 1712-1793)
Venise. Vue de l’église des Zitelle sur la Giudecca
Huile sur toile.
Inscription à l’encre noire sur le châssis 60 CJ.
30,5 x 44,5 cm
Avec les certificats de Monsieur Dario SUCCIet de Monsieur Ralph TOLEDANO.
Provenance :
Charles T.D. Crews, esq, Londres. Sa vente après décès, le 2 juillet 1915, lot 160, Christie’s Londres.
Bibliographie comparative :
1973, A.MORASSI, GUARDI, Venise : cat. 634, illustration 599, même sujet, Londres National Gallery, 18 x 24 cm ; Cat 633, illustration 598, même sujet, ex collection KOESTERZurich, 26 x 33,5 cm ; dessin Cat. 632, illustration 597, même sujet, KNOEDLERNew York, 49,5 x 78 cm
Cat.631, illustration 600,Eglise du Redentore, Londres collection privée, 30,5 x 52,5 cm ; Cat 467, illustration 473,Eglise Santa Maria della Salute, Musée du Louvre, 30 x 41 cm.
1993, A.BETTAGNO,Catalogue de l’exposition Vedute Capricci Feste, Venise, San Giorgio Maggiore : n° 69, p. 192, Cortège Place Saint Marc(en l’honneur de la visite des Comtes du Nord, le Grand duc Paul et la grande Duchesse Maria FEODOROVNAfuturs tsars de Russie, en 1782),
Venise Collection privée ; n° 36, p. 118, Eglise San Giorgio Maggiore, Venise, Accademia.
2008, Catalogue de l’exposition Venezia e i suoi splendori, Treviso, San Lazzaro dei Mendicanti, p. 87, daté vers 1787.
L’église Santa Maria della Rappresentazione, dite delle Zitelle se trouve sur l’île de la Giudecca, non loin de l’église palladienne du Redentore. Selon les marchés de fournitures de matériaux conservés aux archives de Venise, sa construction remonte aux années 1574-1575-1576. Il se peut qu’Andrea PALLADIOait fourni un projet pour sa façade, mais en tout cas, celle-ci aurait été réalisée en dehors de sa supervision. A son origine, l’église faisait partie d’un complexe conventuel et éducatif destiné à l’instruction des jeunes filles dépourvues de dot.
Francesco GUARDIa brossé cette vue de Venise avec un brio inspiré, habité par une fougue qui caractérise sa dernière manière. Le ciel sombre et menaçant, évocateur de celui du Cortège de la Place Saint Marc avec la visite des Comtes du Nord(cf bibliographie comparative) daté 1782, reflète le déclin de la Sérénissime République et semble préfigurer son effondrement prochain. Une mélancolie de fin de siècle imprègne cette œuvre dans laquelle l’artiste, beaucoup moins préoccupé que ses antécédents CANALETTO, BELLOTTOet MARIESCHI, par la description précise des architectures, se concentre sur les valeurs atmosphériques annonciatrices du romantisme. Le bleu gris du ciel tourmenté et les ombres vert bouteille planant sur l’eau sombre contribuent à ce sentiment de crépuscule inexorable.
Comparons également le tableau présentement étudié à une autre œuvre de Francesco GUARDI, San Lazzaro dei Mendicantidatée de 1785, dans laquelle le vaste et sévère hospice est brossé de la même manière que l’église des Zitelle et l’ensemble des constructions de cette rive de la Giudecca. En outre, dans ces deux œuvres, apparait une figure centrale de gondolier vêtu d’une veste jaune, dont l’attitude nerveuse et le costume paradoxalement joyeux sont quasiment identiques.
Cette œuvre poétique, vibrante, saisit l’instant éphémère et fragile de la vie. Elle est un exemple de la vision originale que Francesco GUARDIapporta, au cours de la dernière phase de sa carrière, dans la représentation de la cité lagunaire, en une fin de siècle qui s’éloigne définitivement des certitudes objectives et triomphantes de l’illuminisme.