PLACIDO CALOIRO et OLIVA [atelier de].
[Portulan de la Méditerranée].
Messine, entre 1621 et 1665.
71,5 x 44,5 cm.
Carte-portulan enluminée sur vélin représentant le bassin méditerranéen. Les éléments décoratifs ainsi que les archipels sont coloriés en bleu, vert et rouge. Les noms des villes et localités côtières, très serrés, sont tracés à l’encre rouge ou bistre ; ceux des régions et des États, de plus grand format, à l’encre bistre. Les fleuves sont tracés en bleu. Le portulan est abondamment orné, notamment de 2 grandes roses des vents, d’une demi-rose ainsi que de 13 roses de plus petit format. Une magnifique échelle ornée de 22 cm est inscrite à l’intérieur de l’Afrique du Nord. De nombreuses montagnes, représentées schématiquement, ornent la carte ainsi que quelques palmiers en Afrique du Nord. Au levant, trois lieux spécifiques sont figurés : le Monastère de Ste-Catherine, le Mont Calvaire avec 3 croix et le fleuve Jordan. Mais la représentation la plus inhabituelle est celle localisée en Anatolie : l’Arche de Noé au sommet du Mont Ararat.
Manque de vélin d’environ 30 cm de large dans la partie occidentale du portulan et manque de quelques millimètres à droite de la partie orientale avec une perte plus importante dans l’angle inférieur. En dehors de ces défauts, le portulan est en bon état, les coloris sont demeurés vifs et les tracés nets.
Cartographiquement ce portulan est typique de la production du milieu du 17e siècle, que ce soit par l’étendue de la région représentée que par le peu de détails figurés à l’intérieur des terres. Pendant des siècles précédant la production de cette carte, la plupart des cartes nautiques présentaient une rotation d’environ 9° dans le sens contraire des aiguilles d’une montre afférente à la déclinaison magnétique en Méditerranée. Bien qu’au milieu du 17e siècle certains cartographes aient identifié le décalage et indiqué la vraie route géographique, l’auteur de cette carte a choisi de suivre le modèle traditionnel de rotation.
Une anomalie est à noter en Mer Noire. Seul le quart sud-ouest de la mer est figuré, alors que, sur une carte de cette époque, on s’attend à voir figurer la totalité de la mer. De même la représentation de la Crimée est plutôt schématique alors que des relevés beaucoup plus précis étaient accessibles aux cartographes de l’époque. On peut seulement spéculer sur les raisons de cette représentation. Il se peut que cette carte ait été commandée par un Capitaine dont le commerce se limitait à la Mer Méditerranée et aux mers adjacentes.
Le système de 32 lignes de rhumb centré ici sur la Sicile, coïncide avec la patrie de Placido Caloiro et Oliva, a qui est attribué ce portulan.
Attribution :
Cette carte a été étudiée par Monsieur Richard Pflederer, spécialiste reconnu en histoire de la cartographie et plus spécifiquement dans le domaine des cartes-portulans.
Une majorité de cartes-portulans portent le nom de leur auteur et une date. La carte présentée ne porte aucune indication mais il est fort probable que ces informations étaient inscrites sur la partie occidentale manquante. Cependant le portulan montre de nombreuses similitudes avec l’œuvre de Placido Caloiro et Oliva. La comparaison avec 5 cartes connues comme étant de sa main, fait apparaître plus de 20 points de concordance, que ce soit du point de vue cartographique ou de la décoration. Les zones spécifiquement étudiées sont le Détroit de Gibraltar, la Sicile, Chypre et la Crète ainsi que le tracé côtier de l’Afrique du Nord. En outre, l’échelle ornée, les roses des vents, les palmiers, le Mont Calvaire et la représentation schématique de la rivière Jordan, correspondent parfaitement au travail de Placido Caloiro et Oliva. De même le tracé et la forme de l’embouchure de fleuves importants comme le Nil ou le Rhône, sont similaires à ceux de Placido Caloiro et Oliva.
Cependant cette carte présente quelques différences avec la production de Placido Caloiro et Oliva. La plupart des cartes produites par celui-ci comprennent une vingtaine de vignettes figurant des villes, cette carte n’en possède aucune. D’autres cartes de sa main figurent des soldats et des animaux, celle-ci est vierge de ces représentations. Enfin le tracé des côtes et le graphisme des noms de lieu ne semblent pas aussi précis que sur ses autres cartes. Cependant certaines différences notables peuvent apparaître au cours d’une carrière couvrant plus de 40 ans d’activité.
Quoi qu’il en soit, l’attribution à l’atelier de Placido Caloiro et Oliva se justifie largement et une attribution à Placido Caloiro et Oliva, lui-même, est crédible. On peut en déduire que la date de production de cette carte se situe entre 1621 et 1665.
Famille Caloiro et Oliva.
Cette famille est apparemment une branche de la famille Oliva qui inclut une douzaine de cartographes à avoir signé cartes marines et atlas entre 1538 et 1673. La forme du patronyme varie selon les décades et les siècles, en fonction du lieu d’activité de l’atelier. On trouve les formes suivantes : « Oliva », « Ollive », Ollives », « Olivo » ainsi que « Caloiro et Oliva ». Trois membres de la famille Caloiro et Oliva, ont signé des cartes entre 1621 et 1665, mais la majorité d’entre elles (32 cartes) sont signées par Placido entre 1621 et 1673. Cinq autres cartes-portulans/atlas lui sont également attribuées. Alors que beaucoup de membres de la famille Oliva ont déplacé leur activité dans huit différents ports, passant par Messine, Barcelone et Venise, toutes les productions de Placido sont signées à Messine.