Exceptionnelle et rare terrine en forme de hure de sanglier et son présentoir en faïence de Strasbourg de la période de Paul Hannong 1750-1754.
Dimensions :
Terrine :
longueur : 46 cm – largeur : 41,5 cm
hauteur : 29,5 cm
Présentoir :
longueur : 59 cm – largeur : 50 cm
Parfait état de conservation.
Une défense et deux grès restaurés.
Provenance :
Château en Touraine, puis vente Fraysse & Associés du 30 mars 2011 lot 57, puis Paris collection particulière.
Bibliographie :
– « Répertoire de la Faïence française », Paris, musée des Arts Décoratifs, 1932.
– Hans HAUG, « La faïencerie de Strasbourg », Strasbourg-Paris, 1950.
– Jacques BASTIAN, « Strasbourg, faïences et porcelaines 1721 – 1784 », éditions M.AJ.B, Strasbourg, 2002.
– Catalogue de l’exposition « L’œuvre des Hannong : faïences de Strasbourg et Haguenau », Strasbourg, 1975, musée des Arts Décoratifs, Palais Rohan.
La mode des terrines zoomorphes
en Europe au XVIIIe siècle.
A la fin du XVIIe siècle, l’introduction de nouveaux mets tel que le ragoût de viande (l’oille), est à l’origine de la création de nouvelles pièces de service de table que sont les terrines et pots à oille.
Ces récipients couverts qui permettent de conserver les aliments au chaud deviennent alors l’élément central du service de table.
Pièce d’usage mais aussi pièce centrale du décor, la terrine focalise les recherches ornementales et formelles des manufactures de faïence et devient rapidement un prétexte à la création de véritables morceaux de bravoure.
Apparues en premier lieu à Hoechst en 1746, grâce au talent de Johann Gotfried Becker, transfuge de Meissen, c’est à Strasbourg que cet art connait son apogée avec Jean Guillaume Lanz et Jean Louis.
Ces terrines zoomorphes illustrent superbement le goût européen pour les trompe-l’œil d’animaux. L’engouement était tel que toutes les manufactures européennes en ont produit : les manufactures delftoises en Hollande, la manufacture de Chelsea en Angleterre, la manufacture royale de Rato au Portugal, etc. La Compagnie des Indes reçu aussi des commandes de têtes de sanglier pour le marché occidental.
Tant pour ses qualités esthétiques que la prouesse technique que représentait la réalisation d’un modèle si important, cette terrine en faïence de Strasbourg doit être appréciée comme le plus beau modèle en faïence européenne connu. Sa date précoce de réalisation le place aussi comme précurseur dans la mode des trompe-l’œil d’animaux qui allaient envahir les pavillons de chasse princiers, principalement allemands et français.
Cette terrine en forme de hure de sanglier en trompe l’œil, représentée la gueule légèrement ouverte, la langue apparente et les grès saillants, est ornée d’un décor polychrome au naturel. Elle repose sur un large présentoir orné sur le bord de branchages de chêne en relief avec glands et feuillages et sur le bassin d’un décor de libellules, papillons et sauterelles peints dans un style naturaliste d’après des gravures germaniques notamment celles de Jacob Hoefnagel (éditées en 1592).
Notre terrine est le plus grand modèle réalisé par la manufacture de Paul Hannong dont le modèle attribué à Jean Guillaume LANZ, entre 1750-1754.
On ne connaît aujourd’hui que 3 exemplaires de cette taille dans les collections publiques :
1. Cité de la Céramique, Sèvres.
2. Musée des arts décoratifs de Strasbourg.
3. Château de la Favorite, électrice de Bade, dans sa résidence à Rastatt.
Seul l’exemplaire conservé en Allemagne conserve son présentoir.
Les dimensions du présentoir sont aussi exceptionnelles puisque l’on ne connait pas aujourd’hui de pièces de platerie réalisées dans des dimensions aussi importantes.
Il se distingue aussi par le rarissime décor d’insectes qui illustre superbement la grande finesse picturale et le souci de réalisme avec lesquels les peintres strasbourgeois retranscrivaient des planches de botaniques de graveurs allemands. Jacques Bastian a identifié les principales sources qui sont Maria Sybilla Merian, Jacob Hoefnagel, Jacques Vauquer, Jean-Baptiste Monnoyer.
Ces terrines animalières baroques en trompe l’œil faisaient partie de services de table particulièrement spectaculaires. L’un des plus beaux services connus est celui commandé par Clemens August de Clemenswerth publié dans l’ouvrage de Jacques Bastian à partir d’un inventaire réalisé par Eckard Wagner, alors conservateur du château de Clemenswerth.
Livré en 1751, Jacques Bastian pense qu’il aurait pu être inauguré lors des chasses princières de l’automne 1751. Ce service se composait d’environ 600 pièces et comprenait un nombre conséquent de terrines en forme d’animaux dont :
« 1) Une hure de sanglier (sans plateau).
2) Un coq de bruyère et un dindon.
3) Deux faisans, deux oies, deux canards, quatre pigeons, quatre perdrix, quatre bécasses, quatre tortues, deux choux-fleurs.
(…) »
Jean Guillaume Lanz était le chef de l’atelier des sculptures dans la manufacture de Paul Hannong entre 1750 et 1754 et on l’attribue traditionnellement la paternité des moules en trompe l’œil. Il quitta la manufacture Strasbourgeoise pour Frakenthal où il exerça de 1755 à 1761. Jean Louis l’un des collaborateurs de Lanz à Strasbourg quitta la manufacture alsacienne pour Sceaux où il continua cette production de trompe-l’œil.