20 L.A.S. «Maurice» (une non signée), Paris et Nohant février-mai 1848 et mai 1849, à sa mère, George Sand; 57 pages in-4 ou in-8, qqs au chiffre GS, la plupart avec adresse. Très intéressante correspondance sur la révolution de 1848 vue La Châtre et de Nohant-Vicq dont Maurice devient le maire. 1848. [Paris] 5 février. Impressions sur la pièce de Dumas Monte-Cristo au Théâtre-Historique… Déjeuner avec Hetzel: «nous avons parlé de tes affaires»: arrangements avec l’éditeur Delavigne, projets d’illustration par Tony Johannot… Il va vider l’appartement du square d’Orléans: «Chopin a repris chez lui tout ce qui lui appartenait à l’exception de deux ou trois petites choses de peu d’importance»… Nouvelles du ménage Clésinger… L’atmosphère politique à Paris… [Nohant] 21 mars. «J’ai passé la journée d’hier à faire des registres de gardes nationaux […] Fleury n’en finit à rien, je n’ai pas encore la nomination de l’adjoint […] il y a un tas de salots à La Châtre qu’il devrait bien ficher en bas, et il ne le fait pas. J’ai reçu une lettre de mon père, qui est ettonante de bon sens et de républicanisme populaire […] Vive la République»… 24 mars. Échos de l’effet produit par l’augmentation de l’impôt. «On a beau leur dire qu’il faut sauver la République, que Louis-Philippe a tout pris l’argent de France […] Par bonheur que le blé est bon marché»… Demain, élections des officiers de la garde nationale de Nohant… 25 mars. «Ma chère mignonne puisque tu es dans le gouvernement», qu’elle obtienne la séparation de Nohant et de Vicq; récit d’un conseil municipal atroce: «il oppose aux idées de fraternité et d’égalité toute sa force d’inertie. Il faut que cela change ou je fais un coup d’État, je casse mon conseil, j’assemble le peuple et je lui fais nommer douze membres du conseil municipal pris parmi eux»… 26 mars. Vives plaintes de la conduite d’Auguste Fleury; Maurice est dégoûté des hommes, de l’administration, de la république bourgeoise que les élections d’aujourd’hui pourrait produire. «Je t’en supplie […] ne t’avantures pas trop dans la lutte, si tu savais comme tu es peu remerciée et des bienfaits que tu as fait, et des écrits pour éclairer le peule que tu as fait paraître, tu ne te donnerais pas tant de peine, que d’ingrats !!»… Il en a rencontré qui le croyaient «aristocrate communiste et enragé»… 31 mars. Observations désabusées sur son travail de maire et sur des craintes de violence au Club républicain de La Châtre… Il promet de bien recevoir Marc Dufraisse, mais «quant à le mettre en rapport avec le curé Marty je ne le ferai pas, car le brave curé dans l’allocution au peuple […] se permet de dire aux assistants qu’il faudrait bien voter pour Delavau»… 2 avril. Difficile d’aller à Paris: «la mairie est là, et l’arbre de la liberté doit être planté dimanche prochaine»… Aujourd’hui il a fait office de simple soldat à la plantation à Vicq, mais dimanche «je ceins l’écharde tricolore» pour la cérémonie. «Je ne sais pas quand nous recevrons les fusils. J’espère bien alors que les habitans de la commune y mettront un peu plus de coeur»… 7 avril. Le Club républicain de La Châtre a voté son choix de représentants. «L’assemblée a été orageuse, l’ennemi (le Club populaire) grondait à la porte à coups de pierre, plusieurs de notre Club sont sortis et nous avons été traités d’agents provocateurs, de mauvais citoyens jusque sous la barbiche de Delaveau qui de dessous son parapluie disait, allons messieurs de l’ordre ! Je vous en prie. – Des sottises et des soufflets ont été échangés»… Conduite saugrenue de la garde nationale; les élections «ne passeront pas sans coups»… 17 avril. Hier il a cassé d’autorité le conseil municipal: «La chose n’a pas été facile. J’ai tenu tête à l’orage j’ai agi en dictateur»… Il se félicite de n’avoir pas laissé le temps de «tripoter les élections», mais se plaint de n’avoir pas encore reçu les fusils promis… 19 avril. La «bande cassée» proteste, et la «bourgeoisie adverse» se vante de faire casser Maurice: «c’est une vraie petite révolution»; Fleury «n’a pas trop approuvé» sa conduite, «vu qu’il est fourré dans les élections et qu’il ne pense qu’à cela»; mais il faudra bien «prendre une mesure afin que la République ne reçoive pas une gifle en ma personne»… 25 avril. Le pays est un peu plus tranquille: «comme on ne parle plus de brûler ni de piller, nous avons brûlé des fagots ce soir à l’arbre de la liberté et nous avons dansé des bourrées en chantant la carmagnole»… Delavau a été porté en triomphe; Maurice aurait bien voulu voir ça, mais il aurait ri «et on m’aurait probablement cassé la gueule»… Les anciens conseillers municipaux ont fait faire une pétition contre lui, et l’ont envoyée à Paris: «C’est tout de même de fameuses canailles que ces pétitionnaires qui vendaient les biens communaux et les mangeaient au cabaret», et il est embêté de les voir «mettre la zizanie entre nous»… 29 avril. Il partira pour Paris après avoir fraternisé à une plantation d’arbre de la liberté à Verneuil, mais demande des instructions pour la sauvegarde de l’argenterie… 1849. [Paris] 4 mai. «Ici grandes illuminations, grand feu d’artifice d’où je viens avec Duvernet sa femme et Fleury. Nous […] avons été tous pédestrement dans la foule […] comme des provinciaux, nous extasier devant des chandelles de couleurs et des fusées»… 13 mai. Jour d’élections législatives, Paris est parfaitement calme: un homme effrayé de voir passer une escorte armée de la garde nationale s’est rassuré de voir qu’elle accompagnait «les boîtes de scrutin», et qu’on n’allait pas «recommencer une affaire»… 14 mai. Il y a dans toutes les craintes des «manoeuvres électorales»: lui-même ne se battra pas, et la garde nationale ne bougera pas. «Si les réactionnaires veulent un mouvement, ils sont perdus. C’est désormais dans le suffrage universel qu’est la révolution. Voilà la seule arme possible maintenant en France»… Il imagine toute une suite de dangers qu’il pourrait rencontrer en se promenant, en dégustant des huitres, en allant à la campagne ou à l’étranger… Delacroix lui a conseiller d’aller copier au Louvre… 15 mai. Elle doit être rassurée sur les événements: «tous ces bruits de combat étaient manigancés par le ministère. […] j’ai été voir ce soir une 1ère représentation à l’Odéon [Les Bourgeois des métiers, ou le Martyr de la patrie de Gustave Vaëz]. Succès colossal fait par quelques mots à double entente sur les choses présentes. Le parterre a demandé la Marseillaise et acteurs et comparses sont venus la chanter aux grands applaudissements du public. On ne sait encore rien des élections»… 17 mai. «Les élections promettent à Paris – demain nous saurons le dépouillement»… 25 mai. «Paris est agité par l’assemblée. Que va-t-il sortir de tout cela ? – Je voudrais bien qu’ils attendent pour faire leur coup d’État éventé que je sois parti»… 31 mai. «Rien de nouveau ici. La nouvelle Assemblée commence à s’arracher les cheveux. Cela finira mal»